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ROMAN D’UN PÈRE.

tout, tu es toujours mon svelte et élégant papa, que les dames admirent dans la rue. C’est que je suis fière de toi, vois-tu ! Allons, père, conviens que jamais tu ne pourras me mettre au bras d’un mari qui vaille mon père !

— Mais, Suzanne, lui dis-je fort ému, je ne suis pas trempé dans le Styx, moi, je n’ai pas pris de brevet d’immortalité !

Elle fondit en larmes. Je ne savais plus que faire. Je lui dis des folies sans nombre, mais je ne la consolai qu’à moitié. Cette nuit-là et beaucoup d’autres, à l’heure où tout le monde dormait, j’entendis son souffle contenu au seuil de la porte de ma chambre, toujours ouverte pour elle.

Elle venait, pieds nus, s’assurer que je dormais paisiblement, — et plus d’une fois, pendant un douloureux accès d’angoisse, je cachai ma tête sous les draps pour lui épargner le chagrin d’entendre ma respiration oppressée.

Je fis part à ma belle-mère du danger qui me menaçait, et je dois convenir qu’elle fut parfaite. Elle me promit de laisser à Suzanne toute sa liberté d’action, si le malheur voulait qu’elle restât orpheline avant que je lui eusse trouvé un