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SUZANNE NORMIS.

pour épargner un peu de fatigue à mes yeux vieillis, Suzanne me regarda soudain ; ses yeux bleus pleins de tendresse, de bonne volonté, de douceur soumise, débordèrent de larmes pressées, et elle se laissa glisser à genoux sur le tapis,

— Qu’as-tu ? lui dis-je étonné, en la serrant dans mes bras.

— Tu ne m’en veux donc pas, mon père chéri ? me dit-elle. Tu ne m’en veux donc pas d’avoir fait mourir maman à la peine ?

— Quelle idée ! ma Suzanne, mon enfant ; d’où te vient cette pensée cruelle ?

— C’est que, vois-tu, dit-elle en essuyant ses larmes qui coulaient malgré elle, j’ai pensé bien des fois que c’est ma faute si elle était morte, et je te trouvais si bon de ne pas m’en vouloir, de ne me l’avoir jamais reproché !…

— Reproché ! ma Suzanne, mais tu l’as remplacée ; mais, grâce à toi, je ne me suis jamais senti seul ! Oui, tu es bien la vraie fille de ta mère !

Nous mêlâmes nos pleurs, je ne rougis pas de le dire.