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ROMAN D’UN PÈRE.

— Soyez homme, reprit le docteur. Vous avez une fille…

— Une orpheline ? répondis-je si tranquillement que j’en fus étonné moi-même.

Il me semblait que j’étais environné d’un océan de glace.

— Mon pauvre ami, dit le docteur après un silence, elle ne souffrira pas beaucoup ; le plus dur est passé.

— Alors, demain ?

— Ce soir peut-être, demain matin probablement. Je reviendrai. Je vous demande pardon de vous quitter ainsi ; on m’attend et l’on souffre ailleurs.

— Allez, allez, docteur ! lui dis-je machinalement. Vous voyez, je suis calme.

Il s’enfuit presque en courant.

Je fis un effort inouï pour composer mon visage, puis je revins lentement sur mes pas. Écartant les rideaux de satin, j’ouvris la porte, et je me retrouvai en face de ma femme.

Elle était encore bien jolie, malgré les fatigues anciennes et la maladie récente, malgré la mort qui allait me la prendre. Au fond de ses grands yeux bleus qui me regardaient tristement, que d’expressions diverses, toutes plus chères les