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ROMAN D’UN PÈRE.

de la petite ville voisine constata l’invasion d’une fièvre nerveuse.

Le danger ne se montra jamais très-sérieux, grâce à ma robuste constitution ; à peine pendant deux ou trois jours la maison fut-elle alarmée ; mais la convalescence se prolongea beaucoup, et c’est cette convalescence qui fit notre félicité à tous les deux.

Suzanne s’entendait à tout. Qui lui avait appris à doser une limonade, à mesurer la lumière d’une lampe, à ouvrir et fermer les fenêtres juste un moment avant que j’en eusse pressenti le désir ? Je l’ignore. Peut-être était-ce un instinct héréditaire, car jamais personne n’avait su comme sa mère apporter la paix et la confiance dans une maison de malade.

Quelle joie pour moi, encore faible et impressionnable, de sentir, plutôt que d’entendre ce pas léger comme le vol d’un papillon, aller et venir çà et là, mettant de l’ordre et de l’harmonie partout ; de voir cette main agile, encore potelée et déjà fine, ranger les plis du rideau, donner de la grâce à ma couverture, ou porter délicatement un bouillon dans le bol d’argent ! Elle goûtait le bouillon de ses lèvres roses, soufflait dessus quand il était trop chaud, et il me