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ROMAN D’UN PÈRE.

sais-je, et certes ce n’est pas le même que pour les petits garçons, — car un garçon se fut jeté parterre vingt fois avant d’arriver, et, une fois assis, n’eût plus songé qu’à dévorer sa honte !

Une ou deux voix féminines me tirèrent de cette méditation :

— C’est votre fille, monsieur ? — Quelle jolie enfant ! — Quel âge a-t-elle ?

La grâce de Suzanne avait brisé la glace, et toutes les mères voulaient la connaître. Je crois que la vue de Pierre, en livrée dans l’antichambre, et le piétinement de nos chevaux dans la cour, entraient pour quelque peu dans cette sympathie… mais chut ! il ne faut pas médire, — surtout des femmes du monde ! Si elles allaient me rendre la pareille !

Suzanne s’accoutuma peu à peu à l’épreuve de l’examen public ; les premières fois qu’elle eut à répondre, elle cherchait ses réponses sur mon visage, et l’encouragement de mes regards lui donnait la force de vaincre sa timidité. Mais ceci fut pris en mauvaise part. Quelques dames soupçonneuses s’imaginèrent que je lui soufflais les réponses, je m’en aperçus à la froideur qu’on me témoigna les jours suivants ; grâce à mon sexe, j’avais eu assez de peine à me faire tolérer