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SUZANNE NORMIS.

bien vif à l’idée d’aller au cours ; à son hésitation, je dirais presque sa répugnance, je compris que ma belle-mère avait eu raison, et qu’il était temps de façonner cette jeune intelligence au monde qui devait être son milieu.

Je n’oublierai jamais l’impression étrange de frayeur et de gêne que j’éprouvai pour elle et comme elle, en la voyant traverser la salle des cours pour gagner son rang. Elle avait huit ans et paraissait grande pour son âge, grâce à la finesse de ses attaches et à l’élégance de sa taille. Toute vêtue de blanc, — elle et moi nous affectionnions cette couleur, — elle avait l’air d’un flocon de laine tombé de quelque toison. Je restai au fond de la salle, tremblant, oui, tremblant, je l’avoue, de la peur qu’elle ne fit quelque gaucherie, qu’elle ne parût ridicule ; à l’idée de la voir traverser ces rangées de chaises, il me semblait prendre mes propres jambes dans un dédale de pieds et de barreaux. Bah ! Suzanne semblait née dans une salle de cours. Toute rouge de confusion, mais parfaitement sûre d’elle-même, à peine assise, elle se retourna et m’envoya le plus joli sourire qui eût jamais épanoui son petit museau.

— Il y a un Dieu pour les petites filles, pen-