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SUZANNE NORMIS.

Je le veux bien, mais elle la chantait comme un opéra.

Depuis la mort de sa mère, Suzanne n’avait jamais entendu chanter. La musique produisit sur elle un effet extraordinaire.

— Chantez encore, dit-elle à mademoiselle de Haags, quand celle-ci revint vers nous, au milieu de félicitations unanimes.

D’une voix singulièrement assouplie, la cantatrice murmura, plutôt qu’elle ne chanta, la Berceuse, de Schubert, simple phrase mélodique assoupissante et presque voluptueuse. L’effet fut complet sur l’assistance, qui se pâma d’admiration, mais Suzanne avait l’esprit pratique.

— Ce n’est pas bien ça, dit-elle tout haut sans se gêner : c’est ennuyeux. J’aime mieux quand vous chantez fort, et quand vous tournez les yeux en haut.

Mademoiselle de Haags jeta à ma fille un regard presque haineux, puis se précipita sur elle et la couvrit de caresses.

J’étudiais cette petite scène d’un air distrait en apparence, mais en réalité fort investigateur. J’appelai Suzanne, je lui dictai un remercîment pour la belle chanteuse, et je l’emmenai. On