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SUZANNE NORMIS.

lisé, je fis un signe à Pierre, qui nous attendait au bout de l’avenue, et nous montâmes en voiture.

— Pourquoi, dis-je à Suzanne, toujours muette à mon côté et plus grave que de coutume, pourquoi n’as-tu pas voulu jouer avec les petites filles ?

Elle réfléchit, mais ne put trouver la solution d’un problème véritablement au-dessus de son âge.

— J’aime mieux rester avec papa, dit-elle.

Il n’y eut pas moyen de la faire sortir de là.

Le soir même, je racontai cette petite scène à ma belle-mère. Celle-ci, en apparence, ne m’avait jamais gardé rancune ni de ma résistance à ses désirs, ni de l’impertinence par laquelle elle avait clos jadis certaine conversation ; une fois par semaine environ, elle venait voir Suzanne, et dînait avec nous. Comme l’enfant avait gardé l’habitude de s’endormir aussitôt après le repas, nous restions d’ordinaire en tête-à-tête, et j’avoue que parfois la soirée me semblait longue. Aussi, je mettais en réserve pour ce jour tout ce que je pouvais récolter d’aventures, d’anecdotes et de traits d’esprit ; mais ce soir-là je me trouvais à court.

— Cette sauvagerie, me dit sérieusement