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SUZANNE NORMIS.

apercevoir son petit visage sillonné de larmes, mais je sentais de temps en temps le frémissement de son vêtement contre le mien. Mon cœur saignait, — jamais elle ne m’avait boudé. En voulant briser sa résistance, avais-je perdu le cœur de mon enfant ?

Cependant, en dedans de moi-même, il me semblait avoir bien fait ; nous rentrâmes à la maison, toujours silencieux. Je la descendis de voiture. Au lieu de m’embrasser, comme elle le faisait toujours pendant ce rapide passage dans mes bras, elle détourna son visage. Je ne dis rien.

Le dîner était servi ; elle mangea peu et en silence ; sa bonne vint la chercher pour la coucher ; elle s’approcha, mais sans me faire aucune de ces caresses qui prolongeaient toujours d’un quart d’heure au moins son séjour auprès moi. Je la baisai au front ; elle se laissa faire partit, toujours muette.

Resté seul, je me sentis très-malheureux. Si cette petite pouvait concevoir et conserver un tel ressentiment, j’avais tout à craindre de l’avenir. N’étais-je pas coupable, moi aussi, d’avoir trop exigé d’un seul coup ? N’aurais-je pas dû procéder par degrés, au lieu d’offrir une ré-