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ROMAN D’UN PÈRE.

— Mais, papa, puisque je veux aller me promener !

Elle me regardait de ses beaux yeux bleus, avec une fixité étonnante, et semblait vouloir faire pénétrer dans mon esprit fermé l’intelligence de ses paroles. Lorsqu’elle comprit que je résistais, elle me regarda encore, mais cette fois avec une sorte d’indignation.

— Comment, semblait-elle dire, tu ne veux pas ce que je veux ? Est-ce possible ?

Une fois convaincue que je ne voulais pas, elle déploya une résistance au moins comparable à la mienne ; moi, qui avais eu tant de peine à me faire une volonté, j’étais ébahi de voir une petite fille de quatre ans me tenir tête. Je recourus alors aux grands moyens.

Certain jour, vers six heures, nous revenions d’une longue promenade à pied ; — je multipliais ces exercices pour fortifier Suzanne qui grandissait trop vite ; — elle s’était obstinée à prendre sa poupée ; et, après lui avoir conseillé à plusieurs reprises de n’en rien faire, je lui avais annoncé qu’elle la porterait seule jusqu’au retour. Elle s’était soumise à cette condition avec un petit air entendu qui n’annonçait rien de bon, et je m’attendais à un orage.