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SUZANNE NORMIS.

— Partez, criai-je aux jeunes gens, partez, la carriole vous attend, la barque est prête, allez !

— Mais toi, père ? s’écria Suzanne en m’enveloppant de ses bras.

— Je reste pour protéger votre retraite.

Suzanne fit un geste énergique de négation.

— Partez, répétai-je avec toute mon autorité paternelle, je le veux ! Seulement, par respect pour moi, faites-vous naturaliser Anglais, obtenez un divorce et mariez-vous. Allez.

Ils voulaient me serrer dans leurs bras, je les repoussai, et je sortis pour défendre l’entrée de la maison. Ils prirent le chemin de traverse, et j’attendis.

Lincy était déjà arrivé à la voiture ; après un court colloque, les deux agents de l’autorité l’avaient suivi. Mais lui, plus pressé, revenait en courant. À mi-chemin, il m’aperçut et fit un geste de triomphe en me désignant les hommes qui le suivaient de près. Je mis le doigt sur la détente, car j’étais décidé à tout ; mais au moment où j’allais peut-être commettre un meurtre, car ma main ne tremblait plus, le sol s’effondra sous Lincy, et il roula dans le précipice.