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ROMAN D’UN PÈRE.

dans la vie : à savoir d’être heureux à ma façon, comme je l’entends ; le reste me chault peu.

Il asséna un coup vigoureux à la dernière motte qui disparut ; je crus sentir le sol manquer sous mes pieds, et je reculai. De l’ouvrage de Maurice, il ne restait plus qu’un peu de gazon souillé.

— Voyez, fit mon gendre en souriant, vous reculez, vous n’êtes pas de force à lutter avec moi ; vous dites qu’il y a un abîme ici ? J’y marche sans frayeur… On ne meurt qu’une fois, et en attendant il faut vivre de son mieux ; donc, rendez-moi ma femme, s’il vous plaît.

Je jetai un coup d’œil dans la direction de la maison, et, à mon inexprimable douleur, j’aperçus Suzanne qui, inquiète de mon absence, se dirigeait vers nous. À la vue de son mari, qu’elle ne reconnut pas d’abord, elle resta immobile, puis revint rapidement sur ses pas.

— La voilà, s’écria Lincy, vous ne me l’enlèverez pas cette fois.

Il s’élança vers la maison, mais j’avais un peu d’avance sur lui ; je passai devant mon Normand, toujours tapi derrière un rocher, et j’entrai le premier. Maurice et Suzanne, se tenant par la main, dans la salle à manger, attendaient