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SUZANNE NORMIS.

— Ce n’est pas sûr, lui dis-je les dents serrées.

Son insolence m’exaspérait.

— Bah ! fit-il toujours avec le même sang-froid, tout cela n’est que des phrases ; j’ai la loi pour moi.

Avec sa canne il fit voler dans le précipice une motte de terre arrachée au parapet.

— J’ai la loi pour moi, vous entendez ; c’est vous et votre fille qui êtes en contravention.

Une seconde motte suivit la première.

— C’est à vous de voir si vous voulez que j’agisse légalement ou si vous préférez me rendre ma femme, comme il convient entre gens du monde, sans bruit et sans scandale.

Les mottes de terre volaient toujours sous les petits coups pressés de sa canne.

— Laissez cela, lui dis-je machinalement ; ce mur est là pour quelque chose, il y a un abîme au-dessous…

— Eh bien, tant pis pour ceux qui tombent dans les abîmes, fit-il avec un cynisme révoltant, cela ne me regarde pas ; moi, je vais dans la vie sans m’inquiéter des autres. Il continua à démolir le parapet avec une sorte de joie froidement féroce. Moi, reprit-il, j’ai une idée, j’ai un but