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SUZANNE NORMIS.

laissait tomber de grosses larmes dans les asiettes.

— Ne pleurez donc pas comme ça, Félicie, lui dit Suzanne, vous serez mariée dans quinze jours avec votre bon ami. Vous n’êtes pas à plaindre, vous !

— Ah ! madame, que je voudrais qu’il put vous en arriver autant ! dit naïvement la bonne fille.

Suzanne rougit et baissa les yeux. Ce mot presque brutal dans sa simplicité venait de blesser sa dignité féminine. Un certain malaise nous saisit tous les trois.

— Ah ! la boîte à pistolets, dit Maurice. Mettez-la bien en vue, Pierre, sans cela je oublierais.

Nous terminions notre repas lorsque Pierre m’annonça la visite du propriétaire de la maison. Il avait vu nos bagages dans la carriole et venait prendre congé de nous. Comme les visites de province n’en finissent pas si l’on n’y met bon ordre, je sortis de la maison pour l’empêcher d’y entrer, et je donnai en même temps l’ordre de conduire la carriole à l’endroit où elle devait nous attendre. Je la vis bondir à droite et à gauche sur le pavé raboteux ; elle tourna le coin,