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SUZANNE NORMIS.

d’autres maîtres qui sont allés se promener aux Iles. Avez-vous compris ?

— Parfaitement, monsieur, s’écria Pierre, qui retrouva ses jambes de quinze ans pour courir au gîte du patron. Je le vis au bout d’un moment ; il avait pris par le plus court et s’en allait à grandes enjambées le long de la falaise, par le côté opposé à celui qui menait à la ville.

Les jeunes gens revenaient lentement vers la maison, sans se parler, sans même se regarder, et pourtant que d’ivresse contenue dans leurs êtres, si parfaitement faits l’un pour l’autre !

— Quand je les aurai mis à l’abri, pensai-je, il sera temps que je m’en aille.

Ils rentrèrent dans le jardin, distraits, rêveurs, absorbés par la pensée l’un de l’autre. Je leur communiquai la nouvelle de Pierre, ainsi que la décision que j’avais prise.

— Qu’importe, murmura Suzanne, ensemble, ne serons-nous pas heureux partout !

C’était à moi qu’elle parlait, mais son regard alla chercher celui de Maurice. Je ne sais ce qu’elle y lut, mais pour la première fois elle se troubla et disparut.

— Allons tirer un brin, dis-je à Maurice. Je ne me souciais pas de le laisser seul avec elle.