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ROMAN D’UN PÈRE.

d’une surprise ! Jamais hermine n’eut à un plus haut degré l’horreur de la boue. De plus que les ingénues, elle avait gardé des réalités du mariage un dégoût, un mépris qui la mettait bien haut sur un piédestal, au delà des atteintes d’une passion terrestre. Maurice était le plus honnête, le plus chevaleresque des hommes ; livrée à son respect, Suzanne eût pu traverser l’Océan, — mais ils n’étaient après tout que de chair et de sang ; le soleil d’août brillait sur nos têtes, et la sève montait dans leur cœur !… Un jour je les regardais le long de la falaise : ils s’étaient quelque peu éloignés de la maison, mais toujours à portée de la vue et presque de la voix. Suzanne s’était arrêtée à l’endroit ou précisément il m’avait arraché à une mort peu douteuse, le jour qui avait décidé de nos destins : sa pensée de prévoyance n’était point restée stérile. Dès que Suzanne s’était remise, il était venu lui-même avec Pierre, à cet endroit, apporter des mottes de gazon pour en faire un parapet. Une investigation attentive de la falaise, vue d’en bas, lui avait démontré que les terres détrempées ne tenaient plus que par les racines des herbes jusqu’à cinq ou six pieds du bord, et c’est à cette distance qu’il avait établi ce mur