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ROMAN D’UN PÈRE.

écrit une demi-douzaine de lettres. Ah ! monsieur, quelle affaire qu’un mariage !

J’avais le cœur trop serré pour lui répondre. Je me hâtai de le congédier.

Pendant la nuit, pluvieuse et tourmentée, j’entendis un bruit insolite. Comme je ne dormais pas, je fus bientôt sur pied. J’ouvris ma porte et je prêtai l’oreille. On parlait dans la chambre de Suzanne. J’allumai vite une bougie et je m’approchai. Les sons s’éteignirent, puis recommencèrent : c’étaient des plaintes. Sans frapper, je levai le loquet, fermeture unique et primitive de toutes nos chambres, et je vis Suzanne, assise sur son séant, en proie à une fièvre violente. Elle gesticulait vivement, et parlait à voix haute. La vue de ma lumière lui fit détourner la tête, mais bientôt elle s’y accoutuma, et reprit ses discours incohérents :

— Qu’ai-je fait ? disait-elle très-vite presque en bredouillant ; je n’ai rien fait de mal ! Qu’est-ce que je veux ? rien de mal ! Alors pourquoi mon père est-il si cruel ? Vous savez bien, Maurice, que je suis une honnête femme, — vous savez bien que je tiendrai mon serment. Partez, partez ; allez vite, il ne faut pas mécontenter mon père ! Il a été si bon pour moi. Il