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SUZANNE NORMIS.

sion de ma pensée, et, plus il parlait, plus je le trouvais digne d’elle. Ô folie amère, d’avoir livré ma fille à son bourreau, pendant que j’avais là près de moi l’homme que tout lui destinait !

Nous marchions un peu à l’aventure le long du chemin glissant et étroit.

Maurice n’était pas pressé de rentrer, puisqu’il ne devait rentrer que pour partir, et moi je n’étais guère désireux de le mettre en face de Suzanne, fût-ce pour un instant. Tout à coup il me saisit par le bras et me tira brusquement en arrière ; ce mouvement rapide faillit me jeter à terre, et au même instant la motte de gazon sur laquelle j’avais posé le pied se détacha du bord et roula sur les rochers à quarante pieds au-dessous.

— Ces endroits sont très-dangereux, dit Maurice ; la moindre pluie détrempe les terres sans cesse minées par le vent et la poussière des vagues. Dès demain j’enverrai les gamins du village faire ici un petit parapet de gazon ; j’en avais construit un jadis… Demain, répéta-t-il avec amertume, je n’y serai plus !

— C’est moi qui m’en chargerai, lui dis-je ; votre bonne pensée ne restera point stérile.