Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
281
ROMAN D’UN PÈRE.

Il me regardait ; ses yeux pleins de douleur, de reproche, lurent au fond de mon âme que j’avais plus de chagrin que de colère. Je lui tendis la main, il y mit la sienne, et nous nous sentîmes liés pour la vie par un lien indestructible d’estime et d’amitié.

Il n’était plus question de bain ; d’ailleurs le ciel s’assombrissait, quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber, nous revînmes lentement vers le logis. Maurice regardait la mer comme pour l’absorber par les yeux.

— J’ai été bien heureux ici, me disait-il d’une voix rêveuse ; si heureux, que ces quelques semaines seront la joie de ma vie entière. Il n’est pas au monde de femme semblable à Suzanne. Elle n’a pas à craindre d’être jamais remplacée dans mon cœur. Quelle autre créature aurait sous le ciel sa grâce et son intelligence, son instruction supérieure et sa modestie ! quelle autre aurait traversé le bourbier de son épreuve sans y souiller seulement la moindre plume de son aile ! Suzanne seule pouvait porter une telle infortune avec tant de dignité ; seule, sa grande âme était capable de se développer ainsi sous l’aiguillon du malheur !

Je l’écoutais, ses paroles n’étaient que l’expres-