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ROMAN D’UN PÈRE.

rice m’appelait pour le bain du soir. Je descendis, et je pris avec lui le chemin de la falaise ; j’avais résolu de lui parler sans plus attendre.

Quand nous eûmes atteint la crique solitaire qui nous servait de plage, je l’arrêtai :

— Asseyons-nous, lui dis-je ; je voudrais causer un instant avec vous.

Il me regarda non sans quelque surprise, puis s’assit sur un rocher ; j’en fis autant.

— Maurice, lui dis-je, vous voyez avec quelle amitié je vous parle, ayez confiance en moi, et oubliez que je suis un vieillard, un père. Causons comme deux amis. Je regretterai toujours que vous soyez arrivé quelques heures trop tard, il y a trois ans… mais…

Il m’arrêta du geste, secoua la tête d’un air désespéré et me dit d’une voix basse :

— C’est vrai, je l’aime !

Il se tut.

La lame brisait régulièrement sur le sable à quelques pas de nous ; j’écoutais machinalement son bruit mesuré, et l’attente de ce bruit du flot me privait pour ainsi dire de ma puissance de réflexion. J’étais comme magnétisé, mon cerveau souffrait d’une si forte secousse. Je fis un effort violent pour secouer cette torpeur.