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SUZANNE NORMIS.

— Dites donc, Pierre, comment vous marierez-vous ? Nous n’avons pas six mois de domicile !

Les bras tombèrent au pauvre garçon, qui me regarda d’un air piteux.

— Combien avons-nous, monsieur ?

— Quatre mois et huit jours.

— Eh bien, cela ne fait plus que sept semaines à attendre. Pendant ce temps-là, nous allons toujours faire venir nos papiers.

Pierre s’éloigna, consolé, et je pensai à part moi que ceux qui n’ont plus longtemps à vivre sont moins impatients de l’avenir que ceux qui ont de longues années devant eux, ce qui n’est pas logique absolument parlant. J’allai raconter ces événements à Suzanne, et je la trouvai dans le jardin ; Maurice lui faisait la lecture pendant qu’elle brodait une immense tapisserie qu’elle s’était fait venir de la ville. Je restai immobile sur le seuil du jardin à regarder le charmant tableau qu’ils faisaient à eux deux. La tête brune et sérieuse du jeune homme formait un contraste original avec la beauté blonde et vaporeuse de Suzanne ; le rideau de feuillage qui servait de fond, le ruisseau courant qui dessinait un premier plan, les couleurs vives de la laine, tout,