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ROMAN D’UN PÈRE.

— Félicie a cinquante-neuf ans et demi, monsieur, et moi j’en ai cinquante-sept ; la différence d’âge n’est pas considérable, et d’ailleurs ce n’est pas cela qui fait le bonheur.

Je n’avais rien à opposer à ce raisonnement.

— Épousez donc Félicie, mon ami, lui dis-je ; je serai enchanté de vous voir mariés. À vrai dire, il y a une vingtaine d’années que vous auriez du y penser.

— J’y avais bien pensé, monsieur, répondit Pierre dont le visage s’était épanoui ; mais elle était un peu grognon ; avec l’âge elle s’est amendée, ou bien peut-être c’est moi qui m’y suis accoutumé ; mais je crois bien qu’à présent il n’y aura plus de bisbille entre nous ; — La demoiselle consent ? dis-je avec une gravité comique.

— Oui, monsieur, elle consent, répondit Pierre, rayonnant d’aise. Elle va être bien contente quand je lui dirai que monsieur ne met pas d’obstacle.

Cinq minutes après, Félicie, rougissante comme si elle n’avait eu que quinze printemps, vint me faire sa révérence ; j’adressai un petit discours aux fiancés, et je les congédiai. Comme ils s’en allaient, une réflexion me vint :