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ROMAN D’UN PÈRE.

sages de nous abstenir ? La muse de la peinture ne nous a point regardés d’un œil favorable.

— J’en conviens, répondis-je, mais que veux-tu que nous fassions ? Il faut bien passer le temps à quelque chose.

Elle devint si grave que je me repentis d’avoir parlé. Je n’étais jamais sûr de ne pas atteindre sans le savoir quelqu’une des fibres blessées de son âme.

— À Paris, murmura-t-elle, nos journées étaient toujours trop courtes !

Elle poussa un soupir, et je lui fis écho. C’est que Paris est un foyer de lumière électrique ; on a beau faire, on se consume soi-même dans cet embrasement, où chacun apporte et reçoit sa part de lumière.

— Paris, reprit-elle, mon beau Paris ! Nous en sommes bannis à jamais… Je hais cet homme, dit-elle avec énergie, en tournant vers moi son visage presque dur : je le hais, il m’a tout ôté ! tout, depuis la maternité jusqu’aux joies de l’intelligence !

Je m’étais dit souvent qu’à l’âge de Suzanne on ne peut vivre loin du monde où l’on a été élevé, qu’il faut un aliment à l’esprit naturellement chercheur, qu’un jour ou l’autre elle re-