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SUZANNE NORMIS.

l’élever de mon mieux, et la rendre heureuse, ajoutai-je plus bas, songeant à la dernière promesse faite à ma pauvre femme.

— Vous comptez l’élever… tout seul ?

— Pas absolument seul, répondis-je, non sans une recrudescence d’étonnement à cet interrogatoire, si savamment conduit. J’ai réfléchi depuis que ma belle-mère avait de singulières aptitudes pour la profession de juge d’instruction.

Madame Gauthier déposa son mouchoir sur ses genoux, et commença un discours. La substance de ce discours, ou plutôt de ce sermon, était : 1o qu’une jeune fille est, de tout au monde, ce qu’il y a de plus difficile à diriger ; 2o qu’un homme est incapable de diriger quoi que ce soit, et spécialement l’éducation d’une jeune fille ; 3o que la mère elle-même est sujette à commettre des erreurs dans une tâche aussi délicate, mais que la grand’mère, parmi toutes, excelle par principe à cet emploi ; et, pour conclusion, madame Gauthier m’annonça que, par dévouement pour Suzanne et par pitié de mon malheureux ménage mal tenu, elle avait donné congé de son appartement et condescendait à venir demeurer chez moi, pour tenir ma maison et élever ma fille.