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ROMAN D’UN PÈRE.

autres. Après une heure de patientes recherches, mon épingle s’arrêta sur un petit point noir, un hameau, dix maisons tout au plus… J’avais trouvé notre refuge ; mais je me gardai bien de faire part de ma découverte à ma fille. Dans son impatience, elle eût voulu partir le soir même, et c’était l’époque où les Parisiens frileux s’en viennent chercher le soleil en Italie, pendant que le mois de mai les boude à Paris. Je me dis que je retarderais le plus possible ce voyage, m’estimant heureux de la certitude de garder Suzanne aussi longtemps que je serais de l’autre côté de la frontière.

Nous étions devenus très-braves, et nous sortions désormais en plein jour ; deux ans de sécurité nous avaient rendus téméraires. Tout le monde nous connaissait sous le nom du « vieux monsieur anglais avec sa jeune femme », et même les marchandes de fruits du marché aux herbes nous saluaient d’un sourire amical lorsqu’elles nous voyaient passer. Un jour, tard dans l’après-midi, nous revenions de faire quelques emplettes au centre de la ville, notre calèche se trouva arrêtée par un embarras de charrettes. Une autre calèche, qui venait par une rue latérale, se trouva près de nous ; une femme dont le visage était