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ROMAN D’UN PÈRE.

XXXIV


Deux années s’écoulèrent, pendant lesquelles un calme profond s’étendit sur nous ; j’avais vieilli rapidement pendant les six premiers mois, puis ma santé s’équilibra peu à peu, j’eus aux changements de saison de bonnes attaques de rhumatisme, je devins un hygromètre de premier ordre, prédisant de par mon genou gauche les moindres symptômes d’humidité dans l’atmosphère, et à cela près je restai un monsieur décidé à vivre très-longtemps et le mieux possible.

Suzanne m’éblouissait, malgré les retours fréquents que je lui voyais faire sur elle-même, dans la torpeur muette des longues après-midi d’été. Elle avait repris son développement si malheureusement interrompu par son mariage. Je voyais ce corps jeune et frêle passer doucement, sans secousses, à la maturité éclatante de vingt ans : le visage s’était arrêté à des contours précis taillés dans un marbre vivant et transpa-