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SUZANNE NORMIS.

Cependant il avait fait faire une perquisition à mon domicile et à celui de ma belle-mère pendant la nuit de notre départ, et ne s’était réellement convaincu de notre fuite qu’au bout de vingt-quatre heures.

Pierre me fit un récit détaillé de sa fureur. « Je suis joué ! n’avait-il cessé de répéter, et je suis persuadé que la blessure de son amour-propre saignait presque autant qu’elle de sa cupidité. Comment, en effet, expliquer la disparition de sa femme ? Les moins méchants se contentaient de sourire, et la supposition la plus naturelle était qu’un plus heureux avait supplanté M. de Lincy dans le cœur de sa femme. Cette hypothèse n’ayant rien de flatteur pour un homme qui tenait avant tout à retenir sa femme au domicile conjugal, il avait donné aux journaux la petite note que j’avais lue. Il ne lui plaisait pas beaucoup plus d’avouer que le père pouvait avoir enlevé sa fille, mais au moins, de la sorte, l’honneur était sauf, et la faute retombait tout entière sur moi… qui avais si mal élevé mon enfant ! »

Le monde n’avait parlé que de cet enlèvement pendant deux jours ; puis, un cheval célèbre s’étant cassé la jambe, on avait cessé de