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ROMAN D’UN PÈRE.

mienne par une cloison de chêne, et je la trouvai dans son lit, accoudée sur son oreiller, rose, souriante, telle que je l’avais vue toute petite. La camisole de Lisbeth, trop grande pour elle, faisait mille plis sur son cou ; ses mains fluettes sortaient à grand’peine des longues manches, et elle riait au travers de ses cheveux qui avaient repoussé son bonnet de nuit pendu à son cou.

— Père ! dit-elle, c’est comme autrefois ! Oh ! que c’est bon !

Elle ferma les yeux, s’allongea de toutes ses forces dans le lit de plume rebondi, puis se repelotonna, avec son geste familier, et répéta : C’est bon de vivre !

Une joie immense m’inonda ; faible et aveugle père, je n’avais pourtant pas coupé dans sa fleur cette jeune existence si pleine de séve. Elle pouvait encore trouver du plaisir à vivre ! Sa chaîne était brisée, nous allions être heureux !

Elle avait sans doute deviné ma pensée, car elle ajouta :

— C’est à présent que je suis heureuse !

Chère enfant ! Je sentis que j’avais bien fait. Les hommes et la loi ne pouvaient me donner tort ; une voix plus forte que tous les sophismes