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ROMAN D’UN PÈRE.

Elle était bien, presque joyeuse, et pourtant comme ployée par le poids d’une grande responsabilité. Je ne me souciais pas de la laisser réfléchir ; d’ailleurs le jour baissait, les heures s’étaient rapidement écoulées depuis la scène du matin. Si je voulais partir le soir même pour quelque endroit éloigné, je n’avais plus un moment à perdre. Nous prîmes congé du docteur qui nous jura le secret le plus absolu, et j’entraînai ma fille vers une station de voitures. Je ne voulais pas qu’aucune indiscrétion, même la plus légère, pût trahir le secret de notre fuite.

Au moment où nous montions en voiture, ma fille fit en arrière un brusque mouvement. À deux pas de nous, mon gendre, arrêté sous un réverbère, causait avec un homme mal vêtu, que je reconnus pour un prêteur à gros intérêts. J’entraînai vivement Suzanne dans l’ombre de la voiture, je donnai une fausse adresse au cocher, et cinq minutes après je lui dis de se rendre à la gare de Lyon.

Nous arrivâmes juste au moment du départ. Bien en hâte nous montâmes en wagon, et quand le train s’ébranla, j’ôtai mon chapeau et je passai la main sur mon front. Nous étions sauvés.