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ROMAN D’UN PÈRE.

Elle en prit un et l’attacha avec le même mouvement automatique.

Je la fis passer devant moi. L’antichambre était déserte, et les domestiques à la cuisine, dans le sous-sol, se racontaient l’exploit de leur maître, deviné ou entendu à travers les portes. Je fis monter Suzanne en voiture, et je donnai un ordre au cocher.

— Où allons-nous ? me dit ma fille en voyant qu’on ne prenait pas le chemin de la maison.

— Chez le docteur, répondis-je.

Le docteur finissait à peine de déjeuner. Je poussai Suzanne dans la salle à manger, et la montrant à notre ami stupéfait :

— Voilà ce qu’il a fait de ma fille ! dis-je.

Je devais être terrible, car le docteur me regardait plus que Suzanne.

— Qu’est-ce que cela ? dit-il sans me quitter des yeux.

— C’est un soufflet, dis-je, et celui qui le lui a donné le payera de sa vie !

Le docteur secoua la tête, prit la main de Suzanne, toujours muette, toujours droite, et secouée seulement par son tremblement nerveux.

— Qu’allez-vous faire ? dit-il.

— Vite une ordonnance, docteur ; nous par-