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SUZANNE NORMIS.

depuis nos malheurs. Elle avait vieilli beaucoup en quelques mois ; quant à moi, j’étais devenu tout blanc. Ma barbe et mes cheveux, toujours abondants, n’avaient plus trace de leur couleur primitive.

Depuis quelques jours je trouvais Suzanne plus agitée, plus nerveuse encore que de coutume ; ses visites, toujours fréquentes, étaient plus courtes. Le plus souvent, elle ne faisait qu’entrer et sortir. Un soir qu’elle était venue vers neuf heures, après s’être laissée tomber en entrant dans un fauteuil, elle se releva tout à coup comme par un ressort, rajusta ses bandeaux toujours ébouriffés et m’embrassa comme pour s’en aller.

— Déjà ? lui dis-je. Nous ne nous parlions guère, mais c’était encore du bonheur que d’être ensemble.

— Oui, dit-elle, je m’en vais. Elle serrait nerveusement contre elle les plis de son burnous.

— Veux-tu de l’argent ? lui dis-je ; il y a longtemps que tu m’en as demandé.

— Non, merci, dit-elle. Combien m’as-tu donné à peu près, depuis les premiers dix mille francs ?

— Nous voici bien près de vingt mille.