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SUZANNE NORMIS.

longues à la fois, — courtes, irréparables, — et quelle éternité d’agonie pour mon cœur déchiré dans les soixante minutes d’une heure !

Les premières lueurs du jour se glissèrent dans la chambre endormie. La petite n’avait pas bougé depuis la veille au soir. À six heures, un beau rayon doré passa entre les rideaux.

Ma femme fit un mouvement… Je m’approchai d’elle, bien près, bien près, nos deux mains nouées, pour un moment encore nos deux vies confondues…

— Bonjour, maman ! bonjour, papa ! cria la voix encore endormie de Suzanne ; et la petite fille, s’aidant du filet de son lit, se mit sur son séant. Ses deux mains rouges de santé se cramponnaient au bord, et soutenaient son visage mutin, rose et blanc ; ses cheveux frisés tombaient en désordre sur ses grands yeux bleus, et elle riait à travers ses boucles mêlées.

— J’aime maman ! cria la voix angélique de notre enfant.

À cette voix, la mère ouvrit ses yeux dilatés par la mort, et s’attachant à moi d’une étreinte désespérée :

— Heureuse ! heureuse !… dit-elle deux fois.

— Je le jure ! répondis-je éperdu.