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SUZANNE NORMIS.

— D’abord, je ne vous ai pas fait marier votre fille, et puis je ne vous trouve pas si malheureux de n’être plus malade ! De quoi vous plaignez-vous ?

— J’ai marié ma fille à un butor, à un…

Je me calmai subitement, car je courais risque de passer pour un fou aux yeux de l’éminent praticien si je disais tout ce que je pensais de mon gendre.

Le docteur était devenu sérieux tout à coup.

— Est-ce qu’il ne se conduit pas bien avec Suzanne ? dit-il d’un ton grave.

— C’est un animal ; voilà mon opinion !

Nous nous regardâmes tous les deux, et je vis que le docteur était fort ému.

— Si je pensais qu’il la rend malheureuse, dit-il entre ses dents… C’est que je l’aime, notre Suzon ! Elle est votre fille, c’est vrai, mais c’est moi qui l’ai amenée au jour… Est-il possible que ce beau M. de Lincy ne soit pas aux genoux de son adorable femme ?

— Aux genoux de sa femme ! Ah ! docteur, tenez, ne parlons pas de tout cela. Je ne me consolerai jamais d’avoir fait ce mariage-là ! et quand on pense qu’il y en a pour toute la vie !…