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SUZANNE NORMIS.

gendre, annoncé par Pierre avec tout le décorum dû à un si noble personnage. Il me serra la main, s’informa de ma santé et dit à Suzanne qu’il était temps de partir. Celle-ci alla chercher son chapeau qui était resté par terre, le remit sur sa tête de l’air le plus posé, et tira ses gants sur son poignet. Mon gendre alors prit congé de moi, je les invitai tous deux à dîner pour le lendemain, ils acceptèrent, et se dirigèrent vers la porte.

M. de Lincy disparut le premier ; Suzanne, restée derrière lui, revint en hâte sur ses pas, m’embrassa à m’étouffer, et courut vers la porte ; au moment de disparaître, elle se retourna avec un joli mouvement d’épaules, et m’indiquant son mari d’un geste imperceptible :

— Croquemitaine ! murmura-t-elle ; ses yeux et son sourire soulignèrent ce mot avec une drôlerie inimitable qui me rappela son enfance, et elle disparut.

Tout cela avait été fait si vite que je n’avais pas même eu le temps de rire. La porte se referma ; je retournai à mon fauteuil, et je trouvai le petit mouchoir de Suzanne sur le tapis.

— Vieux troubadour ! n’as-tu pas de honte ? me dis-je à moi-même, pour réprimer un irré-