Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
ROMAN D’UN PÈRE.

un air sérieux. Il est allé voir si tout est prêt à l’hôtel.

— L’hôtel ! quel hôtel ? fis-je effaré.

— Le nôtre. Ah ! oui, tu ne sais pas, il a loué un hôtel avenue d’Eylau, au bout du monde.

Elle se tut, triste d’avoir à m’apprendre cette nouvelle.

— Je savais, lui dis-je avec douceur, que tu ne demeurerais pas ici ; je crois que cela vaut mieux.

Elle me lança un regard ; ce regard voulait dire tant de choses que j’en fus saisi. Il y avait là du regret, de la résignation, de la fermeté, de la compassion, et même un grain de mépris, — mais celui-ci n’était pas pour moi. Où ma Suzanne avait-elle pris ces yeux-là ? J’eus envie de dire des choses désagréables à mon gendre, mais cette émotion me laissa froid ; éprouvée tant de fois déjà !

— Alors, il va venir te chercher ici ? dis-je pour changer le cours de la conversation.

— Oui, répondit-elle d’un air distrait. Et grand’mère, comment va-t-elle ? Surtout, ne va pas lui dire que je suis venue ce soir, elle nous mangerait ! Ce sera un secret à nous deux.

La porte s’ouvrit encore et laissa passer mon