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ROMAN D’UN PÈRE.

Cette humble vieille fille me raconta son histoire, et je compris alors ce qui l’avait poussée à venir me trouver à Paris jadis. Le dévouement faisait partie de sa vie, comme le pain et l’eau. Habituée à soigner les autres, à chercher autour d’elle ce qu’elle pourrait bien faire d’utile, elle s’était dit en pensant à mon malheur : Voilà un veuf qui doit être bien embarrassé, allons à son secours !

Je m’efforçai de pallier ce que ma conduite d’alors avait eu d’inhumain, de brutal : elle ne s’en était pas même aperçue. À peine revenue au logis, elle s’était vu d’autres soucis sur les bras ; la vieille mère était morte, un frère s’était marié, puis il était mort à son tour, enfin elle avait soigné, consolé et enterré toute sa famille. Seule, dernière de cette branche, elle avait hérité de tout, et n’en était pas plus contente.

— À quoi bon ? me dit-elle en terminant son récit, je n’ai personne à qui le laisser ! Heureusement, il y a les pauvres !

Le dimanche venu, elle ne m’emmena point à la messe. Je m’étais levé de bonne heure, afin de ne rien changer à ses habitudes ; mais quand je descendis, elle était déjà revenue.

— Je vais à l’office de six heures, me dit-elle,