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ROMAN D’UN PÈRE.

site. Lorsque j’arrivai au seuil de sa maison, vaste et commode, quoique peu élégante, elle se leva, mit sa main en abat-jour sur ses yeux vieillis, que ne quittaient plus les fameuses lunettes, et resta indécise.

— Cousine Lisbeth, lui dis-je, vous souvenez-vous de votre voyage à Paris ?

— Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-elle en courant à moi, que vous êtes changé, cousin ! je ne vous reconnaissais pas !

Et cherchant du regard derrière moi :

— Où donc est la petite ? fit-elle.

— Hélas ! cousine, la petite est grande ; elle est mariée !

— Mariée ! Doux Jésus ! Il me semble la voir encore avec sa langouste… Mariée ! et je n’en ai rien su !

On l’avait oubliée dans l’envoi des lettres de faire part ! Mais elle avait un caractère si heureux, qu’elle n’eut pas même l’idée de s’en formaliser. Elle convoqua aussitôt sa maisonnée, et je vis arriver de vieilles servantes, roses et ridées comme des pommes de terre qui ont passé l’hiver sur la paille. Au bout d’un moment, le feu flambait dans l’âtre, mon repas rissolait dans une grande poêle, et le cru célèbre de