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ROMAN D’UN PÈRE.

çut eut Pierre, qui, rouge de contentement, n’osant bouger de sa place, lui souriait d’un sourire large comme le détroit de Gibraltar.

— Ah ! Pierre ! Bonjour, Pierre, ça va bien ? Je suis bien contente de vous voir. Eh bien, mon ami, allez en voiture jusqu’au château, et dites à M. de Lincy que papa et moi nous avons pris le plus court ; comme cela, nous arriverons après vous.

Elle éclata de son rire joyeux, me prit le bras et m’entraîna sous le couvert d’une allée, pendant que la noble calèche s’éloignait, voiturant mon valet de chambre avec mon sac.

Nous marchâmes pendant un moment, Suzanne et moi ; elle, pressée de toute sa force contre mon bras, moi, engourdi par l’excès de ma joie. Au bout d’une vingtaine de pas je m’arrêtai et je la repris dans mes bras avec plus de force encore que la première fois. Elle me rendit mes baisers comme auparavant, j’aurais pu croire que rien n’était changé, et cependant je sentais qu’elle n’était plus la même.

— Eh bien ? lui dis-je en contemplant son cher visage, toujours lumineux et doux, mais légèrement pâli.

— Rien, dit-elle en souriant.