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SUZANNE NORMIS.

— Oh ! si monsieur peut penser que ça me fait plaisir ! répondit-il en tournant vers moi son honnête figure à laquelle vingt années de concorde domestique m’avaient si bien accoutumé. Mais ce qui ne me plaît pas, ce sont…

Il s’arrêta plus confus que jamais.

— Eh bien ! fis-je d’un ton encourageant.

Il me désigna du bout de son ongle le magnifique cocher et l’imposant valet de pied :

— Voilà ! fit-il avec un soupir. Je crois que j’aurai de la peine à m’y habituer.

Nous entrions dans le parc, par la grille grande ouverte.

— Papa ! papa ! cria la voix de Suzanne, et je la vis sur le bord de la route qui m’attendait, les yeux noyés de larmes heureuses, les bras pendants dans l’extase de la joie.

La calèche s’arrêta, et je sautai à bas avec la vigueur de ma vingtième année.

L’étreinte qui nous réunit elle et moi me rouvrit le paradis fermé depuis son départ.

— Allons à pied, me dit-elle en se dégageant de mes bras, pendant qu’elle écartait ses cheveux frisés de son front, avec ce même geste qu’elle avait autrefois dans son berceau. Elle regarda machinalement dans la calèche et aper-