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ROMAN D’UN PÈRE.

charmante ; il s’entendait en toutes choses, il connaissait tout le monde, et je n’ai jamais entendu de conversation plus séduisante. Au rebours de la plupart des gens, il savait déguiser la portée du fond sous la frivolité apparente de la forme. Quel aimable garçon, et que j’eusse été heureux de l’avoir toujours à mon foyer !

Pendant cette interminable quinzaine, il vint me voir plus qu’il ne l’avait fait en deux années. C’était, je crois bien, par pitié de ma solitude, que ma belle-mère n’adoucissait qu’imparfaitement. Avec celle-ci, je dois le dire, nous éprouvions un plaisir amer à parler de Suzanne et à médire de son mari. Trois jours après le mariage, j’avais reçu un petit billet de ma fille contenant ces mots :

« Cher père, je me porte bien ; le château de Lincy est superbe, mais il pleut à verse depuis notre arrivée. Embrasse grand’mère pour moi. Je t’envoie deux baisers, des meilleurs.


« TA SUZANNE. »

— Il me semble, dit ma belle-mère d’un ton piqué, lorsque je lui communiquai ce petit document, il me semble que votre fille aurait bien pu prendre la peine de m’écrire, à moi aussi.