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SUZANNE NORMIS.

cheveux et le visage de sa mère. Elle cherchait une place pour chaque baiser, et souriait après l’avoir déposé bien doucement. Elle fit ainsi tout le tour du pâle visage dont les yeux s’étaient fermés sous ses caresses.

— À papa ! dit-elle ensuite en me tendant les mains.

Je la pris dans mes bras, et je reçus aussi ma part de baisers. Ma femme avait rouvert les yeux, et de grosses larmes roulaient lentement le long de ses joues. Je déposai l’enfant à terre.

— Va dire à ta bonne qu’elle te mette une autre robe, dis-je à Suzanne.

Aussitôt la petite, toujours obéissante, reprit le chemin de sa chambre ; arrivée sur le seuil, elle se retourna, nous jeta une poignée de baisers, et disparut. La musique de sa voix nous arrivait comme un gazouillement… Je me hâtai de fermer la porte, et je revins près de ma femme.

Suzanne avait deux ans et demi, — et c’est en la soignant d’une longue et dangereuse maladie, que ma femme avait contracté la bronchite dont elle devait mourir. Jamais, depuis sa naissance, Suzanne n’avait dormi dans une autre chambre que la nôtre : le petit lit de satin bleu, avec ses rideaux de mousseline brodée, ses nœuds,