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ROMAN D’UN PÈRE.

lui reprocher ; cette grossièreté venait du fond, car certes elle n’était pas à la surface. Peut-être aurais-je tout rompu si une série de crises ne m’avait fort abattu. Pendant deux ou trois jours, je crus que la fin était venue et que j’allais mourir sans avoir établi Suzanne. Cette crainte et les instances de ma belle-mère me décidèrent. Cependant je voulus savoir ce que pensait Suzanne elle-même, et je l’interrogeai.

— Te plaît-il ? lui demandai-je le cœur serré.

— Mais oui ; il est très-gentil, très-amusant.

— Te sens-tu capable de passer ta vie avec lui ?

— Je crois que oui, père, répondit Suzanne en me regardant d’un air candide.

— Sais-tu bien ce que c’est que le mariage ? repris-je hésitant.

Elle me regardait toujours.

— Mais oui, père, répondit-elle ; c’est la vie en commun avec quelqu’un qu’on estime et qu’on aime…

Il y avait encore autre chose, mais je ne pouvais pas le lui dire : devant l’innocence de ses yeux d’enfant, le père ne pouvait que se taire. C’est la mère qui eût dû parler ! La mère n’était pas là. Le père fit un dernier effort.

— Es-tu sûre d’être heureuse avec lui ?