Page:Grégoire - Lettre aux philantropes sur les malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur de Saint Domingue et des autres îles françoises de l'Amérique.djvu/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 3 )

3o. à la justice, 4o. à l’humanité. Il sera plus aisé de me censurer que de répondre. Ensuite, je prouverai que le décret est impolitique. Ceci s’adresse à ceux qui, composant avec les principes les plus inflexibles, croient que l’intérêt est tout, et la justice rien. Mais auparavant, donnons quelques détails certains sur les sang-mêlés, nommés aussi mulâtres ou gens de couleur.

Ils sont environ 40 mille dans nos îles de l’Amérique, toujours plus attachés au sol que les colons blancs, dont les yeux se tournent sans cesse vers la métropole, et qui se hâtent de faire fortune pour repasser en France.

Les sang-mêlés sont libres ; il ne s’agit point encore des esclaves, que, par bonté pour eux, il ne faut peut-être conduire que graduellement à la liberté. Les droits de l’homme, concédés brusquement à ceux qui n’en connoissent pas les devoirs, pourroient devenir un présent funeste. J’insiste sur le mot libres, appliqué aux gens de couleur, parce que toutes les fois qu’on veut faire entendre en leur faveur l’accent de l’humanité, des Cannibales, pour faire diversion, égarer l’opinion, effrayer la pusillanimité, crient qu’on veut faire égorger tous les blancs, en affranchissant les Nègres, dont il n’est pas question, dont la cause n’a rien de commun avec celle des mulâtres. Et combien, depuis le décret, viennent niaisement me dire : « Je croyois que vous vouliez proposer l’abolition de l’esclavage ». Croire sans savoir, c’est sottise ; dire le contraire de ce qu’on sait, c’est perversité : vous choisirez. Eh bien, je vous l’assure, tel de mauvaise foi, qui vient de lire cette tirade, est prêt à répéter la même imposture.

Les sang-mêlés possèdent le tiers des fonds territoriaux.