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presque effrayé de cette métamorphose si complète, et c’est en sens inverse qu’il le tourmente. En 1708 le duc de Bourgogne faisait campagne en Flandre, et il y jouait un assez triste personnage. Il se dérobait alors qu’il eût fallu se montrer ; il se montrai où il ne devait pas être ; il était plein d’hésitations et de scrupules ; il consultait pour savoir si, dans les mouvements de la guerre, il pouvait habiter pendant quelques heures de la nuit l’enceinte d’un couvent de religieuses. Fénelon combat ces puériles et coupables irrésolutions avec une franchise de conseil qui ne fait pas moins d’honneur à sa droiture qu’à sa perspicacité. ll ne craint pas « de rassembler toutes les choses les plus fortes qu’on répand dans le monde contre le prince » et de lui en faire sentir la gravité. Il analyse une à une les faiblesses qu’on lui reproche. « On dit que vous êtes trop particulier, trop borné à un petit nombre de gens qui vous obsèdent ;… on dit que vous écoutez trop de personnes sans expérience, d’un génie borné, d’un caractère faible et timide, qui manquent de courage ;… on dit que, pendant que vous êtes dévot jusqu’à la minutie, vous ne laissez pas de boire quelquefois avec un excès qui se fait remarquer ;… on dit que votre confesseur est trop souvent enfermé avec vous ;… on dit que vous êtes amusé et inappliqué… » Et s’il paraît ne reproduire que l’écho du bruit public, c’est — est-il besoin de le dire ? — pour adoucir le ton de la remontrance, comme il faisait autrefois en présentant ses leçons sous le voile de la fiction. Il n’ignore pas d’ailleurs que le prince a conservé au fond de l’âme les maximes généreuses dont il a imbu sa jeunesse ; qu’il professe que les rois sont faits pour les peuples, et