avec ses gens ; il les battait « dans le temps même que ceux-ci lui rendaient des offices. » Un matin, après une explosion de colère, il rencontre dans la galerie de ses appartements un ouvrier menuisier que Fénelon y avait introduit. Il s’arrête, observe, prend les outils pour les manier : « Passez votre chemin, Monseigneur, s’écrie l’ouvrier d’un air menaçant, car je ne réponds pas de moi quand je suis en fureur ; je casse bras et jambes à ceux que je rencontre. » Fénelon, on le voit, ne répugnait pas aux artifices dont J.-J. Rousseau multipliera plus tard l’emploi. Mais c’est à la conscience de son élève, à son cœur, à sa raison, à sa piété, à son honneur, que d’ordinaire il s’adressait directement. Quand tout avait échoué, patience, habileté, fermeté, il recourait à l’isolement absolu. La séquestration était sa dernière ressource et le châtiment suprême. Quelque parti qu’il se résolût à prendre, il ne commençait aucun traitement qu’il n’achevât. Sa persévérance sans emportement comme sans défaillance, son obstination douce et froide était à l’épreuve de toutes les résistances. Dans une de ses lettres de direction il écrivait à l’un des fils du duc de Chevreuse, le vidame d’Amiens : « Remplissez votre vocation, la mienne est de vous tourmenter. » On peut dire qu’il ne cessait de « tourmenter » son élève, jusqu’à ce qu’il fût sûr de l’avoir dominé, réduit, dompté.
C’est ainsi que de cet enfant dont la première jeunesse avait fait trembler, sortit « un prince affable, humain, modéré, patient, modeste, humble et austère pour soi. » Le but était atteint, dépassé même. À douze ans de distance, lorsque la correspondance de Fénelon nous le montre rentré en rapport avec le jeune dauphin, il est ému,