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qui ne soit juste, précis et raisonnable ; il saurait bien en prendre avantage et vous donner adroitement le change ; il passerait d’abord de son tort au vôtre et deviendrait raisonnable pour vous convaincre que vous ne l’êtes pas. » Est-ce à la suite d’un avertissement de ce genre, si ferme tout ensemble et si délicat, que l’enfant, touché de repentir, adressait à son maître, sous la forme d’un engagement, ce billet empreint d’une dignité naïve : « Je promets, foi de prince, à M. l’abbé de Fénelon de faire sur-le-champ ce qu’il m’ordonnera et de lui obéir dans le moment où il me défendra quelque chose ; et si j’y manque, je me soumets à toutes sortes de punitions et de déshonneurs » ?

Cependant la réprimande n’était pas toujours aussi agréablement ménagée. Fénelon faisait parfois intervenir des tiers. On sait quels égards il avait pour les domestiques. Saint-Simon lui reprochait d’en prendre autant de soin que des maîtres. Quelque coquetterie qu’il mît à toutes choses, Fénelon portait en cela un autre sentiment que la pure passion de plaire. Dans son traité il se plaint que « la fausse idée qu’on donne aux jeunes filles de leur naissance leur fasse regarder les domestiques à peu près comme des chevaux. » — « On se croit, dit-il, d’une autre nature que les valets ; on suppose qu’ils sont faits pour la commodité de leurs maîtres. Tâchez de montrer combien ces maximes sont contraires à la modestie pour soi et à l’humanité pour le prochain. » Cent ans avant Beaumarchais, il écrivait que « les maîtres, qui sont mieux élevés que leurs valets, étant pleins de défauts, il ne faut point s’attendre que les valets n’en aient point, eux qui ont manqué d’instruction et de bons exemples. » Or le prince était intraitable