Mais le petit Louis était moins facile à élever qu’à instruire. Bien que, d’après Fénelon, la transformation de son caractère fût devenue sensible trois mois après qu’il s’était mis à l’œuvre, il n’est pas douteux que la tâche n’ait été laborieuse et rude. Le cardinal de Bausset a remarqué qu’on peut presque en suivre le progrès d’après les dates de composition des Fables : les Fables furent, en effet, le plus puissant des moyens d’action de Fénelon. C’est sous la forme de ces fictions qu’il insinuait la leçon, suivant le besoin de la journée. Et quelle leçon que ces apologues où, lui plaçant sous les yeux sa propre image que défigurait la colère, il l’obligeait, par l’attrait même de l’allégorie, à s’y contempler et à s’y reconnaître, sauf, l’impression salutaire une fois produite, à lui ouvrir habilement les voies du retour ! « Qu’est-il donc arrivé de funeste à Mélanthe ? Rien au dehors, tout au dedans ; il se coucha hier les délices du genre humain : ce matin, on est honteux pour lui, il faut le cacher. En se levant, le pli d’un chausson lui a déplu ; toute la journée sera orageuse, et tout le monde en souffrira : il fait peur, il fait pitié ; il pleure comme un enfant, il rugit comme un lion… Que faire ? Être aussi ferme et aussi patient qu’il est insupportable et attendre en paix qu’il revienne demain aussi sage qu’il était hier. Cette humeur étrange s’en va comme elle vient : quand elle la prend, on dirait que c’est un ressort de machine qui se démonte tout à coup ; sa raison est tout à l’envers, c’est la déraison elle-même en personne… Dans sa fureur la plus bizarre et la plus insensée, il est plaisant, éloquent, subtil, plein de tours nouveaux, quoiqu’il ne lui reste seulement pas une ombre de raison. Prenez bien garde de ne lui rien dire