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dauphin sur ses obligations de roi et à l’instruire en le récréant.

Cette conduite, sous laquelle il est aisé de retrouver les recommandations essentielles de l’Éducation des filles, eut des effets singulièrement rapides. Fénelon, qui se montre sur d’autres points si difficile pour lui-même, n’éprouve aucun scrupule à s’en féliciter. « Je n’ai jamais vu, disait-il, un enfant entendre de si bonne heure et avec tant de délicatesse les choses les plus fines de la poésie et de l’éloquence. » À dix ans le prince avait lu les principaux discours de Cicéron, Tite-Live, Horace, Virgile, les Métamorphoses d’Ovide, les Commentaires de César et commencé la traduction de Tacite. Au témoignage de l’abbé Fleury, c’était un esprit de premier ordre : il connaissait la France comme le parc de Versailles, et il n’eût été étranger en aucun pays ; toute la suite des siècles était nettement rangée dans sa mémoire, et il étudiait l’histoire des pays voisins dans les auteurs originaux ; quant à l’histoire de l’Église, il la possédait au point d’étonner Bossuet et les plus savants prélats. « Dans les commencements mêmes, où son extrême vivacité l’empêchait de s’assujettir aux règles, il emportait tout par la promptitude de sa pénétration et la force de son génie » ; et le premier résultat de cette application passionnée était de le sauver de lui-même. Pendant les entretiens notamment, son humeur s’adoucissait ; il devenait gai et aimable ; c’est encore Fénelon qui le rappelle, et il ajoute : « Je l’ai vu souvent nous dire, quand il était en liberté de conversation : « Je laisse derrière la porte le duc de Bourgogne, et je ne suis plus avec vous que le petit Louis. »