rigueur inutile : la crainte abat le courage, hébète l’intelligence ; c’est un remède violent, une sorte de poison — Rollin lui empruntera textuellement la comparaison — dont il ne faut user que dans les cas désespérés. Il entend faire appel avant tout au cœur et à la raison.
De toutes les peines de l’éducation, aucune ne lui paraît comparable à celle d’élever des enfants qui manquent de cœur. « Les naturels vifs sont capables de terribles égarements ; les passions et la présomption les entraînent, mais aussi ils ont de grandes ressources et reviennent souvent de loin. Les naturels indolents échappent à toutes les sollicitations ; ils ne sont jamais où ils doivent être, ils écoutent tout et ne sentent rien. » Fénelon déploie, pour les ramener et les exciter, des merveilles d’habileté psychologique. Je ne sais que Plutarque qui ait possédé aussi à fond l’art de diviser les difficultés, de se contenter de peu pourvu que l’effort se continue, de donner le sentiment tout à la fois du progrès acquis et de celui qui reste à acquérir, de proportionner l’éloge et le blâme, d’en aviver ou d’en émousser la pointe, de les faire tourner l’un et l’autre en une leçon intérieure et personnelle, de préparer, en un mot, « les résolutions ou les soumissions volontaires, » les seules qui soient durables et fécondes. Fénelon ne dirige pas la raison avec moins de sûreté ni de bonheur. Il faut tout de suite, selon lui, user de la raison autant qu’on peut. Elle croît avec l’âge et ne trahit jamais ceux qui s’y confient. À mesure qu’on avance, on peut s’assurer davantage la coopération de l’enfant, c’est-à-dire s’entendre avec lui sur les besoins qu’il se reconnaît, éprouver son discernement,