Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est l’irrégularité des parents : ce sont eux trop souvent qui apprennent aux enfants à n’aimer rien ou à mal placer leur attachement. Qu’attendre d’une jeune fille sous les yeux de laquelle on fait tout le contraire de ce qu’on professe ? Quelle autorité peuvent avoir les conseils les plus justes donnés au retour du jeu ou de la comédie ? Quelle force au contraire que celle qui repose sur l’exemple de l’assujettissement aux maximes que l’on enseigne ! Et quoi de plus doux que de se donner au soin de former le caractère et l’intelligence d’un enfant ! » Si Fénelon met à ce bonheur des conditions difficiles à remplir, on ne saurait méconnaître que du même coup il en rehausse singulièrement le prix. Ce n’est certes pas Mme de Sévigné qui l’aurait contredit, elle qui félicitait Mme de Grignan que « Pauline ne fût pas parfaite, parce qu’elle se divertirait à la repétrir. »

Cependant il ne suffit pas qu’une jeune fille soit élevée sous les yeux de sa mère pour être bien élevée. Il importe que l’éducation ait ses règles — règles essentiellement différentes suivant l’état, la profession, la fortune des enfants. Fénelon a le vif sentiment de ce que nous appelons aujourd’hui les dangers du déclassement. Ce qui le touche, c’est moins la crainte de voir l’équilibre social déconcerté par des ambitions déréglées que l’idée du trouble apporté par les déceptions au bonheur des particuliers. « Il n’y a guère de personnes, dit-il, à qui il n’en coûte cher pour avoir trop espéré. » Les enfants de la duchesse de Beauvilliet étaient destinés à une vie de seigneurie provinciale, vie étroite et retirée, où l’activité consistait en grande partie dans l’administration attentive d’une petite fortune :